Proposition de création d'un GDR
Méthodes corrélées pour la structure électronique
Ce projet de création de GDR trouve son origine dans le constat d’une diminution inquiétante des efforts consacrés aux développements méthodologiques au sein de la communauté de chimie quantique française. Cette situation se solde par une présence peu lisible de la communauté française dans le débat méthodologique international et la quasi-absence de codes de calculs largement diffusés émanant de la production française, bien qu’une partie de la communauté participe au développement de codes internationaux. A ceci s’ajoute le peu d’attractivité des thématiques de développement de méthodes vis-à-vis des étudiants qui sont beaucoup plus attirés par des applications nécessitant de gros moyens informatiques associés à des codes commerciaux utilisables clé en main. Cependant les défis de la chimie théorique à plus ou moins long terme sont énormes avec des enjeux aussi importants que la mise au point in silico de nouveaux matériaux, de nouveaux médicaments (drug design), la simulation de processus et de structures complexes en catalyse, biochimie ou dans le domaine des nanotechnologies pour ne citer que quelques exemples. Toutefois, bien que des progrès importants aient été réalisés ces dernières décennies, tant au niveau des méthodes que des plateformes calculatoires (High Performance Computing) il est clair qu'il n'existe pas encore de méthode de calcul électronique universelle qui soit à la fois fiable (erreur systématique pouvant être réduite à volonté au prix d'un temps de simulation de plus en plus important), générale -c'est à dire valable pour un système arbitraire- et efficace (besoins en CPU et en mémoire augmentant modérément avec la taille du système).
Les défis les plus importants en chimie théorique (systèmes polymétalliques, fils moléculaires, simulation de processus biologiques...) ont été réalisés principalement par la méthode de routine pour le calcul électronique (tant au niveau de la communauté académique qu'industrielle), à savoir l'approche DFT (Density Functional Theory) qui réalise un bon compromis entre ces différentes exigences (précision raisonnable accompagnée d'une croissance modérée de l'effort numérique en fonction de la taille du système). La limitation principale de la DFT est liée à la difficulté de contrôler l'erreur provenant du choix particulier de la fonctionnelle approchée: certaines fonctionnelles donnent des résultats satisfaisants pour certains types de systèmes moléculaires mais beaucoup moins pour d'autres. De plus, des problèmes importants sont connus pour être mal pris en compte par la DFT: calcul des forces à longues distances (dispersion, forces de van der Waals), états excités ayant un caractère multi-excitonique, brisures de liaisons chimiques, systèmes magnétiques multicentriques, etc.
L'alternative principale à la DFT repose sur l'utilisation d'un développement systématique de la fonction d'onde au moyen de fonctions élémentaires et l'optimisation des différents paramètres intervenant dans ce développement. D'une manière générique, elles sont connues sous le nom de « méthodes post-Hartree-Fock » (CI, MPn, CC, MRCI, CASPT2, etc.). Contrairement aux méthodes DFT, elles permettent un contrôle beaucoup plus précis de l'erreur grâce à la possibilité d'une augmentation systématique de la qualité des calculs. Elles permettent également une bien meilleure prise en compte des aspects multiconfigurationnels tant au niveau des états électroniques fondamentaux que des états excités. Malheureusement ces avantages sont associés à un prix calculatoire qui peut devenir exorbitant pour les systèmes de grande taille. Ces méthodes sont le plus souvent utilisées soit pour des systèmes moléculaires de petite taille (une dizaine d’atomes), soit comme étapes de validation de méthodes plus approchées, dont la DFT, soit pour élaborer des modèles théoriques utilisables pour des systèmes de plus grande taille (hamiltoniens modèles, par exemple). Dans ce contexte c’est la validité théorique et la précision du calcul de structure électronique qui vont contrôler la qualité des simulations numériques ambitieuses proposées par la communauté de chimie théorique des décennies à venir. Devant l'enjeu considérable que représente la mise au point d'une méthode de calcul électronique « universelle », les chimistes quanticiens ont naturellement proposé de nombreuses autres méthodes alternatives à fort potentiel mais qui n'ont pas encore atteint le niveau de maturité des méthodes précédentes. On peut citer, par exemple, les méthodes DMRG, les méthodes basées sur la matrice-densité, les approches QMC. Etudier, développer et pratiquer ces approches est essentiel car elles apportent de nouveaux éclairages sur le problème à N-corps électronique, ce qui en retour peut permettre l'éclosion de nouvelles idées et de nouvelles passerelles entre approches.
Le but du GDR proposé est de favoriser les échanges entre méthodologistes qui travaillent au sein des laboratoires français et donc de mieux fédérer la communauté. Après quelques contacts informels, il nous est apparu que le nombre de ces chercheurs est plus nombreux qu'on pourrait le penser à première vue et qu'il existe une demande forte d'une structure permettant d'interagir de façon à la fois plus officielle et plus régulière afin d’éviter les phénomènes de dispersion. Le GDR s'adresse à toutes les personnes concernées par les développements des méthodes permettant de calculer la corrélation électronique, que ce soit les méthodes basées sur la fonction d'onde (perturbation, interaction de configurations, coupled-cluster, etc.), les méthodes basées sur la densité électronique ou les méthodes moins « mâtures » mais à fort potentiel comme le QMC, le DMRG, les approches basées sur la matrice-densité, etc.
Liens avec les autres GDR et la communauté physicienne: Dans les années passées le GDR DFT puis DFT++ ont rassemblé chimistes et physiciens autour de la thématique unique de la DFT. En créant récemment le GDR CoDFT, les physiciens ont exprimé le besoin de recentrer leurs efforts sur les développements méthodologiques en DFT pour des applications en physique. Notre proposition de GDR pour la communauté des chimistes s'inscrit dans une démarche similaire et complémentaire. Ce GDR concernera les développements méthodologiques pour des applications en chimie, ce qui inclut bien évidemment la DFT mais aussi un grand nombre d'autres méthodes. Réinsistons sur le fait que la communauté de la chimie quantique française a un besoin impérieux d'être mieux structurée et rassemblée, notamment vis à vis de la communauté internationale qui est très active. C'est pourquoi nous avons choisi dans la définition de ce GDR de nous centrer sur la communauté de la chimie quantique, même si les liens avec la physique étant étroits nous nous proposons aussi à travers des invitations et des échanges réguliers (particulièrement avec le GDR CoDFT) de profiter au maximum de cette proximité scientifique. Afin de faciliter ces échanges, nous proposons d'inclure dans notre bureau deux jeunes chercheurs de l'Institut de Physique issus de la section 4 (Valérie Vallet) et de la section 6 (Michele Casula).
Les objectifs que nous aimerions atteindre sont les suivants:
● Rapprocher les équipes où sont réalisés des développements méthodologiques
● Confronter les expériences de chacun et créer un réseau
● Diffuser plus largement les méthodes alternatives à fort potentiel mal représentées en France, en particulier celles permettant de traiter des cas de structures électroniques compliquées
● Apporter aux doctorants et aux jeunes chercheurs des formations de pointe au niveau doctoral
● Permettre aux doctorants et jeunes chercheurs de se rencontrer et de se déplacer au sein des équipes du GDR
● Initier et supporter des initiatives autour du problème de la diffusion et de la valorisation des codes français
● Rendre beaucoup plus cohérente et réactive la communauté française du calcul électronique en chimie vis à vis des différentes initiatives et grands instruments mis en place tant au niveau national qu'européen: Calculs sur grille (Institut des grilles du CNRS), parallélisme massif (machines massivement parallèles installées dans les grands centres nationaux), maison(s) de la simulation (en cours de réalisation), participation au demandes dans le cadre du programme européen FP7, nouvelles initiatives autour du CECAM, etc.
D'un point de vue concret le programme du GDR proposé se structure autour des trois actions suivantes :
1) Organisation d'une rencontre annuelle
2) Organisation d'ateliers de formation de haut niveau (post-M2R)
3) Echange de doctorants et jeunes chercheurs.